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Que lisiez-vous lorsque vous étiez enfant ?
Mon livre préféré était Le Cheval dArgent, dElizabeth Goudge.
Cétait sûrement lié au fait que lhéroïne était assez ordinaire,
mais le livre est très bien construit et très habile, et plus vous
avanciez dans votre lecture, plus il vous paraissait habile. Et
peut-être que, plus quaucun autre livre, il a eu une influence
directe sur les livres Harry Potter. Lauteur insérait toujours
des détails concernant le repas de ses personnages, et je me souviens
que jaimais cela. Vous avez peut-être remarqué que jindique toujours
le menu de Poudlard.
Lécrivain qui ma le plus influencé est sans aucun doute Jessica Mitford.
Quand ma grand-tante ma donné Hons and Rebels à lâge de
14 ans, elle est devenue tout de suite mon héroïne. Elle sest enfuie
de sa maison pour se battre lors de la guerre civile dEspagne,
en prenant avec elle un appareil photo acheté avec largent de son
père. Jaurais aimé avoir le courage de faire quelque chose comme
ça. Jaime la façon dont elle na jamais renié ses convictions dadolescente,
en restant fidèle à ses idées cétait une socialiste autodidacte
tout au long de sa vie. Je pense que jai lu tout ce quelle a
écrit. Jai même donné son prénom à ma fille.
Quavez-vous fait lorsque vous avez quitté lécole ?
Je suis allée à luniversité dExeter pendant quatre ans, dont un an à
enseigner langlais à Paris, ce qui ma plu. Au début, Exeter ma
fait leffet dun choc. Je pensais me retrouver au milieu de personnes
identiques avec des idées radicales. Mais ce nétait pas comme
ça. Pourtant, une fois mêtre fait des amis qui avaient le même
genre didées, jai commencé à apprécier. Bien que je pense ne pas
avoir travaillé aussi dur que jaurais pu.
Pourquoi avoir choisi détudier les langues alors que vous aimiez tellement
la literature anglaise ?
Cétait une erreur. Je nai sûrement pas fait tout ce que mes parents
mont dit de faire, mais je pense avoir été influencée par le fait
quils croyaient que les langues permettaient de trouver un travail
plus facilement. Je ne le regrette pas tant que ça, mais cétait
une décision étrange pour quelquun dont la seule vocation était
de devenir écrivain, bien que je navais pas le courage de le dire
à quiconque, bien sûr.
Où êtes-vous allée lorsque vous avez obtenu votre diplôme ?
Cétait une erreur encore plus grande. Je suis allée à Londres pour suivre
un cours de secrétariat bilingue. Je nétais je ne suis - absolument
pas adaptée à ce genre de travail. Moi, une secrétaire ? Jaurais
été votre pire cauchemard. Mais une des rares choses que jai apprises,
ça a été de taper à la machine. Maintenant je tape tous mes livres
et cest incroyablement pratique. Je suis assez rapide.
Quand lidée de Harry Potter vous est-elle venue pour la première fois
?
Mon petit ami avait déménagé à Manchester, et il voulait que je le rejoigne.
Cest dans un voyage en train de Manchester à Londres, après avoir
passé un week-end à rechercher un appartement, que Harry Potter
a fait son apparition. Je navais jamais ressenti une telle excitation.
Jai su immédiatement que ça serait vraiment amusant à écrire.
Je ne savais pas, à ce moment, que ça allait être un livre pour enfants
tout ce que je savais, cétait ce garçon. Mais javais lidée
de ma vie dans la tête, et aucun stylo ne fonctionnait ! Je nallais
jamais nulle part sans mon stylo et mon cahier de note. Donc, plutôt
que dessayer de lécrire, jai dû le penser. Et je crois que cétait
une bonne chose. Jétais submergée par une masse de détails et sils
narrivaient pas à survivre à ce voyage, cest quils ne valaient
probablement pas la peine de sen souvenir.
Lécole de sorcellerie de Poudlard a été la première chose sur laquelle
je me suis concentrée. Je pensais à un endroit ordonné mais très
dangereux, avec des enfants dotés de talents qui pouvaient submerger
leurs professeurs. Lendroit devait logiquement être à lécart et
assez rapidement je lai localisé en Ecosse, dans mon esprit. Je
pense que cétait un hommage inconscient à lendroit où mes parents
se sont mariés. Les gens continuent de penser quils savent ce sur
quoi jai établi Poudlard mais ils se trompent tous. Je nai jamais
vu nulle part de château ressemblant à la façon dont je mimagine
Poudlard.
Donc je suis retournée dans mon appartement cette nuit-là et jai commencé
à écrire dans un cahier de note bon marché. Jai dressé des listes
de tous les sujets à étudier je savais quil allait y en avoir
sept. Les personnages sont venus dabord, puis jai dû trouver leurs
noms. Gilderoy Lockhart est un bon exemple. Je savais que son nom
devait avoir une sonorité impressionnante. Je regardais dans le
Dictionary of Phrase and Fable une bonne source de noms et jai
trouvé Gilderoy, un séduisant bandit de grand chemin écossais. Exactement
ce que je voulais. Puis jai trouvé Lockhart sur un mémorial de
guerre de la Première Guerre Mondiale. Les deux mis ensemble montraient
tout ce que je voulais à propos de ce personnage.
Pouvez-vous décrire le procédé de création des histoires ?
Il fallait découvrir pourquoi Harry était là où il était, pourquoi ses
parents étaient morts. Jai inventé cela mais ça ma fait leffet
dune recherche. A la fin de ce voyage en train, je savais que ça
serait une série de sept livres. Je sais que cétait une attitude
très arrogante pour quelquun qui navait jamais été publié mais
cest comme ça que cest venu à moi. Jai mis cinq ans à planifier
la série, à établir les intrigues de chacun des sept romans. Je
sais ce qui se passe et quel personnage apparaît à chaque moment,
et cest comme si jaccueillais de vieux amis. Le professeur Lupin,
qui apparaît dans le troisième livre, est un de mes personnages
préférés. Cest une personne blessée, physiquement et métaphoriquement.
Je pense que cest important pour les enfants de savoir que les
adultes aussi ont leurs problèmes, quils luttent. Le fait quil
soit un loup-garou est une métaphore pour la réaction des gens face
la maladie et linfirmité. Jai presque toujours lhistoire complète
de mes personnages. Si jincluais tous les détails, chacun de mes
livres aurait la taille de lEncyclopaedia Britannica, mais je dois
faire attention à ce que les lecteurs nen sachent pas autant que
moi. Sirius Black est un bon exemple. Jai inventé toute son enfance.
Les lecteurs nont pas besoin de la connaître mais je lai faite.
Jai besoin den savoir beaucoup plus queux car je suis celle qui
fait agir les personnages page après page.
Jai inventé le jeu du Quidditch après une grande dispute avec le garçon
avec qui je vivais à Manchester. Je suis sortie comme une furie
de la maison, je suis allée dans un pub et jai inventé le Quidditch.
Avez-vous abandonné votre travail pour écrire les livres ?
Oh non ! Jai déménagé à Manchester et jai travaillé pour la Chambre
de Commerce de Manchester très peu longtemps, car jai été presque
immédiatement licenciée. Alors je suis allée travailler à luniversité
mais jétais vraiment malheureuse. Ma mère est morte environ un
mois après mon déménagement. Nous avons été cambriolés et tout ce
que ma mère mavait laissé a été volé. Les gens ont été vraiment
attentionnés et gentils mais jai décidé que je voulais partir.
Je savais que javais apprécié denseigner langlais comme langue étrangère
à Paris et je pensais, pourquoi ne pas partir à létranger et enseigner,
prendre mon manuscrit. Avec du soleil
Cest comme cela que je suis
allé vivre à Oporto au Portugal, pour enseigner à des étudiants
de 8 à 62 ans. La plupart étaient des adolescents qui préparaient
leurs examens mais il y avait également des hommes daffaire et
des femmes au foyer. Les adolescents de 14 à 17 ans étaient mes
préférés. Ils étaient vraiment pleins didées et de possibilités,
dopinions quils allaient se forger. Jobtins la direction de ce
département.
Après six mois, jai rencontré mon futur mari, un journaliste. Nous nous
sommes mariés et lannée suivante est née Jessica juste avant
mon 28eme anniversaire. Cétait sans doute le meilleur moment de
ma vie. A ce moment, javais fini les trois premiers chapitres de
Harry Potter à lEcole des Sorciers, pratiquement tels quils
apparaissent dans le livre publié. Le reste du livre était à létat
débauche.
Pourquoi avez-vous déménagé à Edimbourg ?
Il est devenu évident que mon mariage ne marchait pas, et jai décidé
que ça serait plus facile si je retournais en Grande-Bretagne. Mon
travail nétait pas vraiment sûr et, bien sûr, il sarrêtait complètement
pendant les vacances dété. Il fallait que je trouve du travail
pendant cette période, en particulier avec un petit bébé. Je suis
allée à Edimbourg pour rejoindre ma sur à noël, et jai pensé que
je pourrais être heureuse là. Et je lai été.
La seule personne que je connaissais à Edimbourg était ma sur et son
meilleur ami. Je navais rencontré quune seule fois auparavant
le mari de ma sur. La plupart de mes amis vivaient à Londres mais
je sentais quEdimbourg était le genre de ville dans laquelle je
voulais élever ma fille. Je me suis fait assez rapidement de bons
amis. Peut-être que cétait mon sang écossais qui me rappelait à
la maison.
Comment avez-vous continué à écrire ?
Jai décidé de recommencer à enseigner pour gagner ma vie, mais avant
je devais obtenir la qualification un Certificat dEtude Supérieure
dans lEducation. Ca me prendrait un an, donc je savais quà moins
de mettre un coup daccélérateur pour finir dabord le premier livre,
je risquais de ne jamais le finir. Jai un effort énorme, surhumain.
Je plaçais Jessica dans sa poussette, je lemmenais au parc et jessayais
de lendormir. Quand elle sendormait, je fonçais dans un café et
jécrivais. Tous les cafés nacceptaient pas que je massoie pendant
des heures en ne payant quune seule consommation. Mais mon beau-frère
venait douvrir son propre café le Nicolson et je pensais quils
seraient plus accueillants. Je faisais attention de venir lorsquils
nétaient pas occupés et le personnel était très sympathique. Je
plaisantais sur ce que je ferais pour eux si jétais publiée un
jour et que le livre se vendait bien. Je nétais pas encore sûre
dêtre publiée un jour. Mon premier livre a donc été terminé dans
le Nicolson.
Quest-il arrivé après quHarry Potter à lEcole des Sorcier a
été publié ?
Mon éditeur ma encouragé et m'a dit quil se vendait étonnamment bien.
Il ny avait pas vraiment de fanfare une bonne revue dans The
Scotsman, suivi de quelques autres mais cest surtout le bouche
à oreille qui semble avoir fonctionné. Puis mon éditeur américain,
Scholastic, a acheté les droits du premier livre pour plus dargent
que quiconque avait espéré. Lexplosion de publicité ma effrayée.
Jenseignais à temps partiel et jessayais décrire Harry Potter
et la Chambre des Secrets. Je me sentais effrayée par toute
cette attention.
Quest-ce qui vous a fait décider de devenir un écrivain à plein temps
?
Ce nétait pas une décision facile. Je ne savais pas si cela nétait pas
simplement un feu de paille. Et je devais penser à ma fille. Mais
je pensais que je pouvais probablement me permettre décrire à plein-temps
pendant deux années, bien que je risquais ma carrière denseignante
car je naurais certainement pas obtenu lexpérience nécessaire
pour reprendre ma carrière. Quand jai gagné le prix Smarties, les
ventes ont commencé à augmenter. Jai touché mon premier chèque
de droit dauteur. Je ne pensais pas gagner des droits dauteur
pas pour un premier roman donc jen ai été très fière.
Avez-vous reçu beaucoup de lettres de vos lecteurs ?
Je me souviens ma toute première lettre de fan, de Francesca Gray. Ca
commençait comme ça : « Cher Monsieur. » Je lai rencontrée depuis.
Il y avait un flux croissant de mails mais quand le livre a commencé
à bien se vendre en Amérique, les lettres ont afflué. Jai réalisé
que je devenais une secrétaire inefficace. Cétait un problème plutôt
agréable mais cétait le moment dembaucher quelquun pour faire
les choses comme il faut.
Quest-il arrivé quand Harry Potter et la Chambre des Secrets a
été publié ?
Il a atteint très vite la première place dans les listes de best-seller,
ce que je trouvais incroyable. Vous devez vous souvenir que tout
cela ma vraiment énormément surprise. Car tout cela est arrivé
très rapidement mais ce qui importait était que javais écrit un
livre dont jétais fière.
Et Harry Potter et le Prisonnier dAzaban ?
Lidée que les enfants feraient la queue dans les librairies pour acheter
un exemplaire de mes livres me plaisait. Mais il y a des côtés encore
plus déconcertants pour ce qui concernait la publicité voir votre
photographie apparaître régulièrement dans les journaux nest pas
quelque chose que javais anticipé. Mais tout le temps, les enfants
lisent les livres. Et je sais que les adultes les lisent aussi.
Et quils les aiment. Cest ce que je me dis quand je me sens dépassée.
Vos livres ont maintenant été traduits dans 50 langues au moins. Que pensez-vous
de ces différentes versions ?
Jai reçu récemment des exemplaires du premier Harry traduit en japonais
cest merveilleux. Mais je pense que celui qui mimpressionne
le plus cest la version grecque.
Quelquefois je trouve de petites aberrations. Dans la version espagnole,
le crapaud de Neville Londubat quil perd toujours a été traduit
par une tortue. Ce qui rend sûrement plus difficile le fait de la
perdre. Et ils ne mentionnent pas leau dans laquelle elle devrait
vivre. Je ne veux pas trop y penser. Dans la version italienne,
le professeur Dumbledore a été traduit par « Professore Silencio
». Le traducteur a pris le « dumb » [ndlt : muet en français]
dans le nom et a basé sa traduction sur cela. En fait, « dumbledore
» est un vieux mot anglais pour bumbledee [ndlt : bourdon en
français]. Je lai choisi car je limagine comme un sorcier
bienveillant, toujours en mouvement, fredonnant pour lui-même, et
jaimais également la sonorité du mot. Pour moi, « Silencio » est
une contradiction complète. Mais le livre est très populaire en
Italie donc ça ne dérange de toute évidence pas les Italiens !
Pensez-vous que vous finirez la série des sept romans Harry Potter ?
Absolument ne serait-ce que pour moi-même.
Que ferez-vous lorsque vous aurez fini le dernier ?
Ca sera la chose la plus incroyable, de finir les livres. Ca aura représenté
un très long moment à vivre parmi ces personnages dans ma tête et
je sais que je serai triste de les quitter. Mais je sais que je
les laisserai seuls.
Je suis sûre que jécrirai toujours, au moins jusquà ce que je perde
la tête. Je suis très, très chanceuse.
A cause du succès dHarry. Je nai pas besoin de le faire financièrement,
personne ne le fera. Jai seulement besoin de le faire pour moi-même.
Parfois je pense que je suis faite pour être un écrivain à succès
modéré, avec lattention focalisée sur les livres plutôt que sur
moi. Cétait déjà merveilleux dêtre publiée. La récompense la plus
grande est lenthousiasme des lecteurs.
Parfois et je ne veux pas paraître ingrate jéchangerais volontiers
de largent contre du temps et de la paix pour écrire. Ca a été
la plus grande tension, notamment pendant la rédaction du quatrième
livre. Je suis devenue célèbre et je ne suis pas très à laise avec
cela. A cause de la célébrité, certaines choses vraiment difficiles
sont survenues et un grand effort de volonté a été nécessaire pour
les faire disparaître. Et jai également dû jongler avec la pression
de la promotion de chaque livre, celle des lecteurs et la mienne
pour finir le suivant. Il y a eu des semaines noires où je me
demandais si ça valait le coup mais je continuais quand même.
Si vous observez les personnes célèbres, il y a toujours des problèmes
liés et ils ne sont pas agréables. Mais je sais tout de même que
je suis une personne extraordinairement chanceuse, qui fait ce quelle
aime le plus au monde.
Interview traduit par Jessica.
Version originale en anglais disponible sur le site de Quick Quote Quill.
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