Mérédith Vieira : Nous sommes de retour, à
7h38, avec la deuxième partie de notre interview exclusive
avec l’auteur de Harry Potter, J.K. Rowling. Le dernier tome,
Harry Potter et les Reliques de la Mort, était le livre le
plus attendu de l’histoire de la littérature. Plus
tôt cette semaine, j’ai rencontré Rowling au
château d’Edimbourg en Ecosse pour parler du succès,
de la célébrité, et pour dire au revoir à
Harry. Attention, si vous n’avez pas fini le livre,
cette interview contient des informations au sujet de l’histoire.
(MV et JKR
parlent à l’extérieur du château d’Edimbourg).
MV
: Jo, quand vous vous baladez dans Edimbourg, vous avez écrit
une telle partie du début de votre livre dans un café…
JKR : Oui.
MV
: Et le dernier chapitre de votre livre à Balmoral.
JKR : *acquiesce*
Mhmm.
MV
: Un bel hôtel. Parlons de ce qu’a été
votre vie à travers toutes ces années. Qu’est-ce
qui vous vient à l’esprit ?
JKR : Terminer
le livre m’a fait regarder en arrière, et c’est
incroyable, parfois, ce qui m’est arrivé. Et à
certains moments je pensais que j’avais rêvé
tout cela.
(MV et JKR
sont dans le château)
MV
: Vous savez, c’est une expérience intéressante
pour vous, car vous n’avez jamais eu la chance, après
un livre, de pouvoir parler.
JKR : C’est
vraiment libérateur.
MV
: Et maintenant, regardons les ventes de ce livre. En Amérique,
5000 ventes par minute.
JKR : C’est
vrai ? Mon dieu. C’est… Oh mon dieu. Vous voyez, je
n’arrive pas vraiment à l’envisager.
MV
: Auriez-vous pu imaginer, à l’époque, que cela
se passerait de cette façon ?
JKR : Non.
Harry nous a sauvé, nous a apporté la sécurité
; il a complètement transformé ma vie. Ca a été
phénoménal et tellement inespéré.
MV
: Qu’est-ce qui vous attend ?
JKR : Je vais
faire une pause. Et je vais me contenter de savourer, pendant un
moment, le sentiment de ne pas avoir de date limite. C’est
vraiment libérateur de penser que je peux pratiquement revenir
au début, écrire n’importe quoi, voir où
ça me mène et ne pas avoir de pression. Et il n’y
a pas de nécessité de finir quoi que ce soit.
MV
: 17 années, 7 livres. Que voulez-vous que les gens retiennent
de cela ?
JKR : C’est
vrai que Harry a poussé les gens à lire – ceux
qui, sans lui, n’auraient pas apprécié la lecture,
ou n’auraient pas commencé à aimer les livres,
c’est la meilleure chose qu’on puisse me dire.
MV
: Avez-vous eu, en écrivant le septième livre, un
sentiment de responsabilité envers ces… fans.
JKR : C’est
toujours… Oui, j’ai un sentiment de responsabilité
dans la mesure où je voulais écrire le meilleur, meilleur,
meilleur livre que je pouvais. On me demande fréquemment,
« Vous sentez-vous coupable de tuer des personnes, des personnages
que les enfants aiment… » et, humm, cela semble horrible
et inhumain de répondre « Non ». Mais en vérité,
quand on écrit, on doit se concentrer uniquement sur ce qu’on
écrit. Même ma très chère sœur,
quand je lui ai montré le livre, m’a regardé
et m’a dit « Si tu tues Hagrid, je ne te pardonnerai
jamais ».
MV
: Oh, heureusement, vous ne l’avez pas tué.
JKR : Oui.
(rires) Mais je n’ai jamais prévu de tuer Hagrid, donc…
MV
: A la fin du livre… j’avais lu que le dernier mot était
censé être « cicatrice »…
JKR : Et ça
l’était, pendant longtemps. Pendant longtemps, la dernière
phrase était quelque chose du genre « Seuls ceux qu’il
aimait pouvaient voir la cicatrice. » C’était
une référence au fait que Harry était accompagné
des personnes qui lui étaient chères…
MV
: Jusqu’au « Tout était bien ».
JKR : Tout
était bien.
MV
: Et lorsque vous avez trouvé cette phrase, vous avez su
que c’était la bonne.
JKR : J’ai
senti… j’ai senti que [elle soupire] et que c’était
bien.
MV
: Je veux parler un peu des films, car je sais que la première
fois qu’on vous en a parlé, vous avez refusé.
JKR : (acquiesce)
Oui.
MV
: Vous n’étiez pas intéressée.
JKR : Mhmm.
MV
: Qu’est-ce qui vous a fait changer d’avis ?
JKR : Et bien,
la chose la plus importante, et de loin, est que je recherchais
un accord m’assurant qu’ils suivraient mon histoire
même si le reste des livres n’étaient pas encore
écrits.
MV
: Etes-vous contente des films ?
JKR : Je suis
très, très contente. C’est tellement proche
des livres, ça en devient pratiquement indiscernable, notamment
Poudlard.
MV
: Et Daniel, Emma et Rupert qui interprètent les trois rôles
principaux ne disent que du bien de vous. Que pensez-vous d’eux
? Vous savez, ils sont vos personnages principaux…
JKR : Oui,
ils sont tous impressionnants, et je leur ai dit – tous les
trois, Emma, Daniel et Rupert, en savaient plus qu’ils ne
l’ont dit.
MV
: Est-ce qu’ils vous ont demandé, « Allez-vous
vous débarrasser de moi ? »
JKR : Oui,
Daniel me l’a demandé, en effet.
MV
: Daniel l’a fait ? Et lui avez-vous répondu ?
JKR : A un
moment, il m’a dit, « Je veux simplement vous demander,
est-ce que je vais mourir ? » Et j’ai réfléchi
rapidement, et j’ai murmuré afin que personne d’autre
n’entende, « Tu auras une scène de mort ».
Mais Dan est très intelligent et je suis pratiquement sûre
qu’il est parti de ce dîner en pensant, « Ouiiiii,
je vais avoir une scène de mort, mais qu’est-ce que
ça signifie ? » Et je ne lui ai pas dit « Oui,
tu vas mourir », donc j’espère qu’il est
heureux.
MV
: Et NBC-Universal, notre compagnie, a commencé un parc à
thème.
JKR : Oui.
MV
: Oui, Universal Studios.
JKR : Oui.
MV
: L’attendez-vous avec impatience ou…
JKR : Je l’attends
véritablement avec impatience. Je vais être la première
à y entrer.
MV
: L’une de mes scènes préférées
est dans le premier livre, c’est le Miroir.
JKR : Oui,
c’est mon chapitre préféré dans le premier
livre.
MV
: Oh, vous aussi ? Je ne sais pas, il y a quelque chose, quand il
regarde dans ce Miroir…
JKR : Oui.
MV
: Et il voit sa famille. Je trouve ça si émouvant.
Si j’avais ce Miroir et que vous regardiez dedans, qu’est-ce
que vous y verriez, d’après vous ?
JKR : Je verrais
ce que Harry y voit, c’est sûr. Humm, je verrais ma
mère, je pourrais discuter avec elle, je…
MV
: Elle s’est battue contre la sclérose en plaques pendant
10 ans.
JKR : 10 ans,
oui.
MV
: Comment cela vous a-t-il transformé en tant que jeune femme,
et comment son départ, sa mort, a-t-elle affecté ce
livre ?
JKR : La mort
de ma mère a eu véritablement une profonde influence
sur les livres, car j’avais commencé à écrire
depuis 6 mois sur Harry quand elle est morte. Et dans le premier
jet, ses parents étaient écartés très
calmement, presque de façon cavalière. 6 mois plus
tard, ma mère meurt, et je pense vraiment qu’à
partir de ce moment, la Mort est devenu un des thèmes centraux,
si ce n’est le thème central des sept livres. Et, humm,
de plusieurs manières, tous mes personnages sont définis
par rapport à leur attitude face à la mort et la possibilité
de mourir.
MV
: Est-ce que votre mère savait que vous écriviez ce
livre ?
JKR : C’est
l’un de mes plus grands regrets. Elle ne l’a jamais
su. Elle aurait adoré cela, je veux dire, simplement parce
que chaque mère veut que son enfant réussisse. Elle
aurait participé à chaque évènement,
elle aurait eu tant de plaisir par procuration avec les rencontres
que j’ai faites, et elle aurait été intéressée
et fascinée… J’éprouve un énorme
regret de ne pas lui avoir dit.
MV
: Si vous aviez été l’un de ces élèves
qui vont à Poudlard et qui posent sur leur tête le
Choixpeau Magique, dans quelle Maison auriez-vous été
envoyée, d’après vous ?
JKR : La qualité
que je place au-dessus des autres, et je pense que c’est évident
tout au long des livres, c’est le courage. Humm… donc
j’espèrerais être à Gryffondor. Aurais-je
été jugée digne d’y aller, je ne sais
pas.
MV
: Pensez-vous que la plupart des gens dans ce monde sont plutôt
comme Harry, ou plutôt comme Drago, ou…
JKR : Je suis
modérément optimiste à propos de la nature
humaine, mais la plupart des gens sont convenables. Ce qu’il
est intéressant d’examiner, c’est ce qui arrive
aux personnes convenables quand elles sont effrayées…
MV
: Comme Stephen King le disait, ces personnages avoisinent les plus
grands.
JKR : C’est
très aimable de sa part.
MV
: Frodo, Dorothy et Huckleberry Finn…
(Jo sourit)
MV
: Je suppose que c’est époustouflant de penser que
votre livre se trouve là, sur la même étagère…
JKR : Ca l’est.
Et en fin de compte, si les livres méritent de survivre,
ils survivront, et s’ils ne le méritent pas, ils ne
survivront pas. C’est tout. L’histoire est juge. En
fin de compte, c’est cela qui compte, et ça aide à
relativiser tout le reste.
Interview traduite par Jessica.
Version originale disponible sur le site d' Accio
Quote.
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